Origine du projet
Le parc de Pen Mané, sur la commune de Locmiquélic (56) abritait il y a quelques années un camping municipal. La Ville s’interroge aujourd’hui sur une nouvelle fonction à lui donner. C’est sur ce terrain que nous implantons durant quelques semaines un véritable campement artistique : rouvrir le camping, nous donner la possibilité d’investir ce lieu, de l’habiter, de créer un espace d’altérité sur un temps donné ou plutôt accordé... par les autres occupants du site : la Panure à Moustache, la Phragmite aquatique ou la Rousserolle effarvatte...
Géré par le Conservatoire du Littoral, le marais de Pen Mané à Locmiquélic abrite de nombreuses espèces animales et végétales sur les 65ha que compte la réserve naturelle.
Situé sur le domaine maritime de la rade de Lorient, la richesse paysagère intrinsèque de ce site l’est d’autant plus qu’il cohabite avec d’autres entités paysagères singulières : entre front maritime, sites portuaires, embouchures de rivières et zones urbanisées. Son emplacement en fait un lieu très facilement accessible, que ce soit par la route ou par bateau depuis Lorient.
S’intéresser à un site relevant du Conservatoire du Littoral, c’est s’intéresser à la notion même de “conservation”. Ce qui ne s’altère pas appartient-il toujours au vivant ? Comment le préserver, et par extension, le transmettre ?
Quelle est la mémoire du lieu et comment pouvons-nous la réactiver ? Ce campement artistique pour littoral s’envisage comme une forme de permanence, avec un double geste : architectural et chorégraphique.
Situé sur le domaine maritime de la rade de Lorient, la richesse paysagère intrinsèque de ce site l’est d’autant plus qu’il cohabite avec d’autres entités paysagères singulières : entre front maritime, sites portuaires, embouchures de rivières et zones urbanisées. Son emplacement en fait un lieu très facilement accessible, que ce soit par la route ou par bateau depuis Lorient.
S’intéresser à un site relevant du Conservatoire du Littoral, c’est s’intéresser à la notion même de “conservation”. Ce qui ne s’altère pas appartient-il toujours au vivant ? Comment le préserver, et par extension, le transmettre ?
Quelle est la mémoire du lieu et comment pouvons-nous la réactiver ? Ce campement artistique pour littoral s’envisage comme une forme de permanence, avec un double geste : architectural et chorégraphique.
Un petit parc de verdure jouxte le marais, en forme circulaire, qui rappelle sa fonction de camping municipal de 1980 à 2013. C’est ici que nous établissons notre camp de base, pour permettre aux artistes de s’abriter dans l’atelier, au public de venir se désaltérer en famille, et d’imaginer des temp de rencontres et des veillées.
La durée du campement s’étend sur 1 mois, période permettant une cohabitation douce avec la faune du site, du 20 Août au 18 Septembre 2022. Il est pensé pour être un lieu de travail pour des artistes, un lieu d’accueil et de convivialité pour des visiteurs et un lieu de pratiques pour “prendre soin”.
Théâtre à ciel ouvert d’un nouveau genre, son aménagement temporaire est imaginé par l’architecte Guillaume Jouin (Lieux Architecte), pour répondre aux besoins des artistes présents, en faire un lieu d’accueil convivial tourné vers les Marais. Créer un observatoire, inviter à venir voir.
Visiteurs, visiteuses, habitants de Locmiquélic et d’ailleurs, bienvenue.
La durée du campement s’étend sur 1 mois, période permettant une cohabitation douce avec la faune du site, du 20 Août au 18 Septembre 2022. Il est pensé pour être un lieu de travail pour des artistes, un lieu d’accueil et de convivialité pour des visiteurs et un lieu de pratiques pour “prendre soin”.
Théâtre à ciel ouvert d’un nouveau genre, son aménagement temporaire est imaginé par l’architecte Guillaume Jouin (Lieux Architecte), pour répondre aux besoins des artistes présents, en faire un lieu d’accueil convivial tourné vers les Marais. Créer un observatoire, inviter à venir voir.
Visiteurs, visiteuses, habitants de Locmiquélic et d’ailleurs, bienvenue.
Du Camping
au Campement
(camp-site)
“Le camping est un phénomène sympathique par le fait qu’il ne dure pas. C’est lorsqu’il s’inscrit dans la durée qu’il redevient campement.”
Citation de A. Van Gennep
(1937)
Parfois, on campe sur des idées, et soudain, on lève le camp. On fait du camping sauvage, on dort sur sur un lit de camp, on entend parler des campements de migrants. Le camp nous renvoie à de grandes pages de l’histoire, à des modes de vie et à des images d’un tourisme populaire. Repartons du camping de Pen Mané. D’histoires de vie qui m’ont été contées il y a quelques semaines. Sur ce site, vivait un homme sous tente, un sans domicile fixe. Le jour, il prend le bateau pour se rendre à Lorient et faire la manche. La nuit, il dort là. Puis, il intègre un chantier d’insertion dans une commune voisine. C’est alors qu’il se met à construire des nichoirs en bois pour les oiseaux, en forme de petites cabanes, qu’il se met à vendre. Cette histoire, d’un sans-abri qui construit des maisons pour les oiseaux, c’est un bout de l’histoire de ce site. S’installer dans cet ancien camping, c’est s’intéresser à une autre façon d’habiter le monde, de faire communauté. En 2016, la Cité de l’Architecture et du Patrimoine à Paris a présenté l’exposition “Habiter le Campement” sous la direction de Fiona Meadows. La publication qui en découle permet de disséquer les différents modes de campements, leur représentation sociale et leur fonction.
Michel Lussault y parle “d’une capacité à partager spatialement l’expérience sociale”. Depuis quelques années ont émergé les tiers-lieux à l’instar des tiers-paysages de Gilles Clément. Des espaces qui conjuguent des espaces d’activités pluriels où cohabitent le secteur marchand et non marchand, avec une dimension sociale forte. Et si nous imaginions que les Mondes Nouveaux seraient constitués de “Hors-Lieux” pour reprendre l’expression de Michel Agier, mais... désirables ?
L’enjeu de ce campement est de rassembler différentes communautés, de lui offrir un autre regard, un autre lecture et à révéler ou inventer de nouveaux usages. Nous travaillons ainsi à la mise en place d’une méthodologie spécifique. Ce campement sert d’abri pour des artistes mais il se donne pour ambition de faire société, de créer un “raccourci de l’Univers” comme l’ont écrit Marcel Mauss et Émile Durkheim.
L’enjeu de ce campement est de rassembler différentes communautés, de lui offrir un autre regard, un autre lecture et à révéler ou inventer de nouveaux usages. Nous travaillons ainsi à la mise en place d’une méthodologie spécifique. Ce campement sert d’abri pour des artistes mais il se donne pour ambition de faire société, de créer un “raccourci de l’Univers” comme l’ont écrit Marcel Mauss et Émile Durkheim.
Repères
Le camping est devenu à partir de la fin des années 1960 un dispositif majeur d’encadrement des vacances des Français. La France reste aujourd’hui le pays du camping avec ses 10 millions de pratiquants (dont 3 millions d’étrangers), son parc de près de 9000 terrains et ses innovations techniques émanant d’un réseau de professionnels constitué au début des années 1930. Par sa vaste gamme de formules vacancières, le camping existe pour tous les goûts : nomades adeptes du camping-car, de la randonnée et de la caravane, sédentaires résidents dans les divers habitats légers de loisirs (chalets, mobile-homes, cabanons, ... ), adeptes du confort (hébergés dans les parcs résidentiels de loisirs) ou chercheurs de nature s’aventurant dans des trekkings sportifs, collectivistes (Groupement des Campeurs Universitaires, naturistes, camps de jeunes) ou chercheurs de distinction (label qualité, campeurs châtelains) (...). Aujourd’hui la vie sous la tente renvoie à des réalités très différenciées passant par une vraie variété d’habitats temporaires. Le succès commercial des tentes dépliables en 3 secondes, des camping-cars, des chalets en bois ou des habitats traditionnels (yourtes ou tipis) garantissent de beaux jour à une manière temporaire d’habiter la nature.
Néanmoins la réversibilité du statut de ces manières d’habiter est omniprésente: tentes de la Croix- Rouge pour “SDF” (Sans Domicile Fixe), expulsions de campeurs Rmistes (personnes touchant le Revenu Minimun d’Insertion) installés à l’année, destruction d’emplacements cabanisés. Enfin, l’implantation des terrains de camping dans des espaces de déprises agricoles rend fragiles les hôtelleries de plein air soumises aux inondations et dérèglements climatiques. C’est dans cette tension permanente que se construisent les caractères temporaires et précaires d’un habitat alternatif emblématique des vacances. Extraits d’un article d’Olivier Sirost, “du campement au camping”, paru en 2011 dans la revue Techniques et culture (n°56).
Le campement est d’ores et déjà le symbole d’un mode de vie, associé à deux autres figures majeures du monde contemporain : l’étranger et la mobilité. Être mobile, se dépouiller, parce que la mobilité fait de toute installation une « étape de la migration », et, que le campement incarne la rencontr de la condition d’étranger et du provisoire.
Le campement est d’ores et déjà le symbole d’un mode de vie, associé à deux autres figures majeures du monde contemporain : l’étranger et la mobilité. Être mobile, se dépouiller, parce que la mobilité fait de toute installation une « étape de la migration », et, que le campement incarne la rencontr de la condition d’étranger et du provisoire.
Les campements sont des espaces d’altérité, réelle ou supposée, fantasmée ou fictive.
Vus depuis les positions centrales et normatives, telle la Ville ou l’État, ce sont des « hétérotopies », c’est-à-dire des lieux autres, des sortes de lieux qui sont hors de tous les lieux, bien que pourtant ils soient effectivement localisables. Ils offrent le paysage visible, accessible, voire fréquentable d’une altérité quelconque. Elle peut être comprise comme sociale dans le cas des campements d’infortunés, de sans-abri, ou de travailleurs en déplacement ; elle peut nous sembler ethnique dans le cas de campements de « Roms », ou de « nomades Touaregs » ; elle peut être politique, institutionnelle voire identitaire dans le cas des camps militaires ou des camps de réfugiés. Mais dans tous les cas, elle prend la forme d’un espace à part, d’une extraterritorialité. Extrait du texte introductif de l’anthropologue Michel Agier pour la publication Habiter le campement.
Vus depuis les positions centrales et normatives, telle la Ville ou l’État, ce sont des « hétérotopies », c’est-à-dire des lieux autres, des sortes de lieux qui sont hors de tous les lieux, bien que pourtant ils soient effectivement localisables. Ils offrent le paysage visible, accessible, voire fréquentable d’une altérité quelconque. Elle peut être comprise comme sociale dans le cas des campements d’infortunés, de sans-abri, ou de travailleurs en déplacement ; elle peut nous sembler ethnique dans le cas de campements de « Roms », ou de « nomades Touaregs » ; elle peut être politique, institutionnelle voire identitaire dans le cas des camps militaires ou des camps de réfugiés. Mais dans tous les cas, elle prend la forme d’un espace à part, d’une extraterritorialité. Extrait du texte introductif de l’anthropologue Michel Agier pour la publication Habiter le campement.
Pen Mané,
son fort et ses marais
Nous sommes en Bretagne Sud, sur le littoral, sur la presqu’île de Locmiquélic, face à Lorient. La commune abrite un ancien Fort. Ce lieu aujourd’hui mi-sauvage, mi-préservé, lieu de promenade aux allures de friche, est le point culminant de Locmiquélic mais aussi de la Rade de Lorient. Il en offre d’ailleurs une vue panoramique, une « vue d’en face ». Ce fort a une histoire à plusieurs étages : d’abord pensé comme un mur de ralentissement contre l’ennemi (1761), il devient le camp de base d’une station radiophonique (1908), puis un centre de démagnétisation de bateaux sous l’occupation allemande. Aujourd’hui, en s’y promenant, nul ne peut se douter de son histoire, mais nombreux sont ceux qui y rêvent d’un nouvel usage. Comme si ce lieu avait toujours fait l’objet de projections, de fantasmes, par son positionnement géographique. Il représente un point de jonction entre Lorient et la Rive Gauche de la Rade, un trait d’union jadis protecteur. C’est ici qu’en Septembre dernier, C.A.M.P a organisé l’événement “Let’s Jump !” en invitant 7 danseurs à créer des partitions de sauts.
www.camp.bzh/Let-s-jump
www.camp.bzh/Let-s-jump
Derrière ce fort, beaucoup d’habitants méconnaissent les Marais de Pen Mané, pourtant classée zone Natura 2000 tellement sa biodiversité est riche et fragile à la fois. Lorsque le Gouvernement à l’été 2021 a lancé un Appel à Manifestation d’Intérêt pour financer des projets en lien avec des lieux gérés par le Conservatoire du Littoral, c’est donc naturellement que l’envie de s’intéresser à ce site est née. Une première visite avec Christian Danilo, garde-littoral, confirme l’intérêt d’un croisement entre des artistes et ce lieu, son histoire et ses usagers. Sans oublier ses occupants, temporaires comme nous : les oiseaux en escale migratoire, comme la phragmite aquatique. Nous découvrons que ce site est d’abord un espace de repos, de régénération pour ces espèces en transit. Que l’enjeu est de les protéger, d’en prendre soin. Ce lieu peut-il également permettre à des artistes de passage de se ressourcer ? La contrainte est forte, pour que cette aire de repos ne soit pas perturbée, et permettre d’accueillir du public dans des chemins étroits. Et il y a ce parc, situé entre le Fort et les Marais, abrité par des arbres plantés sur son sol. Son ancienne fonction de camping municipal est rappelée par la présence d’une guitoune d’accueil et un bloc sanitaire. C’est donc le lieu qui fait naître le projet : Rouvrir le camping, le transformer en Campement artistique pour Littoral. Il permet d’être à la fois un abri et une source d’inspiration pour des artistes de passage.
Enjeux
Proposer à des artistes de “faire campement” sur ce site est à la croisée de plusieurs enjeux qui constituent le terreau de recherche du projet et renvoie à la problématique posée par C.A.M.P : comment infuse-t-on une présence artistique sur un territoire à partir des enjeux qui lui sont propres ?
La dimension écologique
Ce site étant relié à une réserve naturelle ornithologique, il s’agit de commencer par s’intéresser à son rythme, son écosystème, ses habitants, son entourage. Il s’agit de trouver une forme de présence active et attentive. Nous sommes comme un corps étranger dans le lieu, nous le perturbons certainement, nous dérangons son sommeil. Nous ravivons peut-être des souvenirs, et nous essayons de le faire entendre. Nous prenons garde à ne pas fusionner avec l’endroit, ni à l’imiter. Nous veillons à ne pas nous conforter dans la beauté du site pour nous recentrer en permanence sur l’objet de la recherche. En partenariat avec l’association Bretagne Vivante qui œuvre pour la protection de la nature en Bretagne et le Conservatoire du Littoral, un programme de rencontres est établi, comme un training quotidien, pour générer une pensée en mouvement permanent.
Le paramètre social
Les lieux de l’art sont aujourd’hui des théâtres bien gardés et désertés par 2 années de crise sanitaire, renforçant un clivage social désarmant. On y présente des spectacles en tous genre, pour distraire ou faire rêver, s’extraire d’un quotidien. On en oublie de penser que l’artiste travaille sa pratique, s’entraîne comme un athlète, mène une recherche parfois quasi scientifique avant de produire un spectacle, pour présenter une autre lecture de la société et cultiver les esprits. Ce rapport sensible au monde, c’est comme s’il avait besoin de se reconnecter avec des éléments très tangibles pour retrouver son essence. C’est ce qu’offre le dehors. Une interaction avec des paramètres extérieurs qui deviennent des éléments de la composition. C’est un terrain de jeu que connaît bien le secteur des Arts de la Rue, mais il s’agit ici d’un usage différent de l’espace. Celui-ci devient un acteur du projet, dans sa matérialité mais aussi son immatérialité. Ce qui le rend unique. L’espace est donc ici ouvert, il n’y a pas de porte et l’entrée est libre. Le campement se veut être un espace d’accueil et d’hospitalité, mais aussi un lieu de pratiques, pour favoriser la mise en mouvement.
La visée politique
(au sens de l’organisation d’une communauté)
Faire communauté, c’est permettre de se rassembler autour de sujets que nous partageons, de créer un maillage de liens et de solidarité dans un système. D’en définir les règles et le fonctionnement. C’est émettre des points de vue. Ainsi, nous y retrouvons la structure de l’agora, le lieu d’échange fondateur de la démocratie, où chacun en tant que citoyen peut écouter, partager, polémiquer sur un pied d’égalité : un lieu actif et privilégié du débat.
L’organisation de cette micro société doit opérer entre :
— Les gestionnaires du site, garants de la préservation de la faune et la flore du site, de la tranquillité des riverains et de la sécurité des visiteurs.
— Les artistes travailleurs du campement venus s’imprégner du lieu pour y mener un objet de recherche
— Les usagers habituels du site : joggeurs, marcheurs...
L’enjeu est donc de définir un mode de fonctionnement interne et des outils de communication vers l’extérieur pour que le campement artistiquesoit lisible et crée de la curiosité. Pour cela, nous nous appuierons sur des principes de l’intelligence coopérative, pour converger dans une direction responsable, solidaire et respectueuse de l’environnement.